lundi 20 juin 2011

Féminisme : Agnès de Nanteuil versus Lucie Aubrac - Monde et vie

            La biographie que Christophe Carichon nous offre de la jeune résistante bretonne Agnès de Nanteuil est à faire lire aux adolescents, car elle bouscule les équations faciles qu’en matière d’Histoire de France on leur impose doctement.
            Il y aurait donc d’autres exemples que Lucie Aubrac de figures féminines de la résistance ? Mais celle-là, autant le dire tout de suite, aucune école ne porte son nom. Il faut dire qu’elle n’est pas passionnante : elle est irrécupérable par les féministes et n’est même pas communiste.
            Agnès de Nanteuil est née en 1922. Elle avait donc treize ans de moins que Simone de Beauvoir et sept ans de plus qu’Yvette Roudy.
            Sauf que si Yvette et Simone l’avaient croisée, elles l’auraient trouvée à coup sûr tout à fait culcul, terriblement « catho coincée ». Pas leur genre du tout. L’archétype, même, de la jeune fille rangée que Simone refusait d’être.
            Il faut dire qu’Agnès était une jolie fille toute simple, très pieuse, (elle a même pensé un moment entrer au couvent), engagée dans le scoutisme, aînée d’une fratrie turbulente de six enfants élevée dans la joie, la foi chrétienne et le sens du sacrifice… Beurk. De quoi donner la nausée, on s’en doute, à la compagne de Jean-Paul Sartre.
            Sauf que les deux féministes Yvette et Simone, elles, auront pu vieillir douillettement comme deux douairières au coin du feu, tandis que la très féminine Agnès de Nanteuil est morte en 1944 « comme un homme », abattue durant sa déportation, alors qu’elle avait été faite prisonnière par les Allemands pour acte de résistance (elle était agent de liaison). En 2002, elle a même rejoint le cercle fermé, viril s’il en est, de ceux qui ont donné leur nom à une promotion d’élèves officiers à Coëtquidan.
                                                          
                                                                                                                       Gabrielle Cluzel