Christophe Carichon, historien, auteur d’une thèse sur le scoutisme en Bretagne, lui consacre un livre clair, de lecture aisée, qui restitue bien Agnès dans l’histoire de son époque et analyse finement sa personnalité. Des notes discrètes et suffisantes donnent les précisions utiles sur les sources et les personnages cités.
Aînée d’une fratrie de six, Agnès est une enfant généreuse mais difficile, impulsive, révoltée, batailleuse, un chef de bande plutôt qu’une petite fille modèle, « un volcan », dit un témoin. À quatorze ans, une retraite est l’occasion d’une conversion ; Agnès, « avide d’absolu » (p.62), commence à tenir un journal spirituel. On y lit la devise qu’elle se choisit : « Tout pour les autres, rien pour moi » (p.47). Elle s’efforce de maîtriser son caractère. Ses modèles : le Christ souffrant, Thérèse de Lisieux, Elisabeth de la Trinité. Une vocation religieuse missionnaire se dessine en 1938.
La défaite et l’occupation sont pour les parents d’Agnès "un châtiment divin" (p.86) ; ils font confiance au Maréchal en 1940 et croient à une entente secrète avec de Gaulle. Les accords de Montoire les révoltent, ils se tournent désormais vers la France Libre. Patriote, Agnès est aussi meurtrie par la défaite. En zone Nord, les mouvements scouts sont interdits ; Agnès devient cheftaine de louveteaux dans la clandestinité. Elle s’engage dans la Croix-Rouge comme secouriste. Son entrée dans la résistance en 1943, dans le réseau Libé-Nord auquel participe sa mère, ne résulte pas d’une analyse politique, mais du désire de continuer à servir : Dieu, son pays, son prochain, les aviateurs alliés qu’il faut récupérer et exfiltrer… En mars 44, Agnès a rang de sous-lieutenant au 2e bureau de la résistance chargé de collecter des renseignements et de l’espionnage. Elle est arrêtée le 14 mars, brutalement interrogée par la Gestapo , puis incarcérée à Rennes, avec sa sœur Catherine. Les Allemands évacuent les prisonniers avant la libération de la ville le 4 août. Le 6 août, au cours d’une attaque aérienne contre le train qui emmène les prisonniers, Agnès est blessée par un soldat allemand. Elle meurt le 10 août, « calmement, héroïquement, son visage illuminé » rapporte une de ses compagnes (p.163). Plusieurs décorations militaires octroyées à titre posthume rendent hommage à son sacrifice. « Agnès fait figure d’icône, non seulement dans sa famille, mais aussi chez les anciens de la Résistance bretonne, dans le scoutisme et chez les Vannetais », conclut l’auteur dans un dernier chapitre historiographique sur la « postérité » d’Agnès de Nanteuil. « Son beau nom ancien, son éducation, sa beauté, sa grâce et sa distinction, son élévation spirituelle, sa richesse d’âme, son courage dans les épreuves (…) sa fin tragique ont construit une légende autour d’elle » (p.187-188).
Jean-François GALINIER-PALLEROLA