Résistance Une biographie intimiste restitue le destin d’une jeune fille de bonne famille devenue une héroïne du réseau Libé-Nord en Bretagne.
On oublie trop souvent la partie chevaleresque qu’ont jouée les héritiers d’une vieille tradition aristocratique, chrétienne et militaire française sous l’Occupation. Voyez Agnès de La Barre de Nanteuil, jeune fille de bonne famille née à Paris en 1922, engagée dans la résistance bretonne à Vannes au printemps 1943, dénoncée, arrêtée le 13 mars 1944, torturée, morte cinq mois plus tard à Paray-le-Monial au cours de son transfert vers l’Allemagne. Pendant une courte année, l’intrépide Mlle de Nanteuil, ancienne guide de France et cheftaine de la meute de louveteaux de la 2e Vannes, a servi comme agent de liaison du réseau Libé-Nord, fondé dans le Morbihan par Maurice Marchais, qui avait été révoqué de ses fonctions de maire de Vannes en février 1941 pour avoir publiquement traité le maréchal Pétain de « vieille ganache ».
Dans la biographie intimiste qu’il consacre à cette héroïne au regard si doux, Christophe Carichon rappelle que Maurice Marchais, ancien député de la Gauche radicale, et les La Barre de Nanteuil, famille de tradition royaliste, ont spontanément éprouvé la même aversion pour la collaboration de la France à la construction de l’Europe nouvelle. Adversaires probables à l’époque du Front populaire, ils se sont retrouvés pour libérer la belle prisonnière des soldats. Le réseau Libé-Nord était pourtant dominé par les socialistes de la SFIO. Mais à aucun moment Agnès et les siens n’ont été tentés de jouer les émigrés de l’intérieur, en renvoyant dos à dos les Allemands et les Anglais, tel Charles Maurras fustigeant « le clan des ja et me clan des yes ».
Sous la torture
À Vannes, leur petit groupe a participé à l’exfiltration vers l’Angleterre d’aviateurs abattus au-dessus du Morbihan ; entre vingt et trente entre septembre 1943 et mars 1944. À cette date, Agnès fut arrêtée après avoir été donnée par un agent du 2e Bureau qui avait parlé sous la torture. Déportée dans le dernier convoi parti de Rennes, elle fut grièvement blessée durant le voyage en raison d’un mouvement de panique des soldats allemands à la gare de Saint-Pierre-des-Corps. Remontée à bord d’un wagon en route vers l’Est, il lui resta alors à montrer à ses compagnons d’infortune comment une chrétienne sait mourir.
Article de Sébastien LAPAQUE